Patagonia South

Nous embarquons à 9 cyclistes sur un petit bateau pour traverser le lac O'Higgins. La petite embarcation se fait bien secouer par les vagues, d'ailleurs si le lac est trop mouvementé elle ne peut pas naviguer. Nous passons la douane chilienne et nous voici à affronter de grosses pentes, nous devons très souvent pousser le vélo. Il nous faut 3 heures pour faire 15km sur un chemin caillouteux. Là, à la limite entre les deux pays, le chemin devient un sentier, et la véritable aventure commence. Ari et Aline (les cyclistes brésiliens) nous ont attendus et nous aident durant les 6 derniers km. Il nous faut pousser le vélo et enlever les sacoches car avec il est trop lourd à pousser à certains endroits. Nous devons passer des rivières, avec de l'eau jusqu'aux genoux. Le sentier est boueux par endroits, bien qu'il n'ait pas plut depuis plusieurs jours, et c'est à 3 que nous devons nous mettre pour faire avancer le vélo qui s'est enfoncé. Il y a d'énormes ornières, où la remorque passe à peine, mais ça finit toujours par passer on ne sait trop comment. 5 heures pour faire 6 kilomètres, c'était vraiment la partie la plus difficile que nous avons enduré depuis le début du voyage. Mais la récompense était au bout, et nous avons planté la tente au bord du Lago del Desierto, en face du majestueux Fitz Roy.

Rejoindre El Chalten n'était ensuite plus qu'une formalité. Une route de ripio, avec vue sur le Fitz Roy, longeant un rio. A El Chalten nous retrouvons Benjamin et Lucile et d'autres cyclistes que nous avions croisés sur la Carretera Austral: tous ont bien pensés à nous sur le sentier argentin. Nous faisons une marche pour aller voir le Fitz Roy de plus près; là-haut le vent est très violent. D'ailleurs quand nous redescendons les gens étaient bloqués 1 kilomètre plus bas sans pouvoir monter à cause du vent. Nous en profitons aussi surtout pour nous reposer.

Quel bonheur de quitter El Chalten! Non pas que l'on ne s'y plaisait pas, mais la route est asphaltée et nous avons un fort vent de dos: nous parcourons les premiers 90 km très facilement. Ensuite nous tournons à droite et avons le vent de côté, et là nous réalisons bien toute sa violence: difficile d'effectuer les 20 km suivant. Ce jour-là, nous irons jusqu'à la Casa Rosa, endroit incontournable des cyclistes qui passent par là. C'est un hôtel abandonné, mais il reste les murs et le toit (tout ce dont nous avons besoin). Nous partageons "l'hôtel" avec un couple de hollandais qui s'en va vers le Nord et un Polonais qui suit la même route que nous. Chacun a mis sa tente dans une chambre et nous nous retrouvons pour manger ensemble et partager nos histoires. Pour nous rendre jusqu'à El Calafate nous devons vraiment lutter contre ce satané vent de côté et de face. Nous y arriverons finalement bien éreintés.

Il y a de mauvaises journées (comme quand nous nous sommes trompés de route et avons perdu le GPS) et il y en a de bonnes. Nous faisons du stop pour aller voir le glacier Perito Moreno (car le bus est hors de prix), nous n'attendons pas très longtemps et c'est un employé du parc qui nous prend. En passant devant l'entrée, il passe tout droit et nous dit: vous êtes avec moi pas besoin de payer. Hé ben y a des jours comme ça, nous n'avons pas eu besoin de dépenser 2200 pesos, soit environ 100 US dollars. Sur le chemin du retour le couple qui nous a pris en stop nous dit: "Nous vous avons vu hier en arrivant à El Calafate mais pourquoi zigzaguiez-vous sur la route, c'est dangereux!" Comment lui expliquer qu'il n'est pas facile de rouler droit en montée avec un vent de plus de 50km/h plus ou moins en face.

A nouveau en quittant El Calafate et partant vers l'Est nous avons un super vent de dos qui nous pousse et facilite grandement les montés. Pas facile de trouver des endroits où dormir, ça souffle sans arrêt et il n'y a que de la pampa. Nous avons de la chance, nous arrivons chaque fois à trouver un endroit protégé. Une fois la maison d'entretien des routes nous offre un abri providentiel, nous demandons pour camper derrière une maison mais on nous propose une remorque de camion avec des chambres, nous trouvons un petit abri pour les bergers en hiver avec des lits et un poêle. Tous des endroits providentiels mais oh combien salvateurs dans ce pays où le vent ne s'arrête jamais (ou alors lorsqu'il s'arrête…c'est qu'il pleut!).

A Puerto Natales, nous nous reposons et allons visiter le parc de Torres del Paine en voiture avec le propriétaire de l'auberge où nous dormons. Nous sommes bien content car le temps n'est pas au beau fixe et la route de ripio est vallonnée et en mauvais état. C'est en bien plus bien agréable de se laisser conduire, et nous voyons pleins d'endroits où nous ne serions pas allés à vélo (eh oui, c'est plus contraignant de faire des détours à vélo).

Jusqu'à Punta Arenas la route n'est pas passionnante, que de la pampa et du vent (de dos ou de côté), il y a juste quelques ñandú (petites autruches sauvages) et les guanacos (cousin du vigogne, famille des lamas) qui égaillent nos journées. Nous passons quelques jours à Punta Arenas, où nous faisons les touristes et allons voir les manchots de Magallanes sur l'île Magdalena. Il y en a des centaines, et nous pouvons les observer de tout près.

Nous prenons ensuite un ferry afin de traverser le détroit de Magellan et rejoindre la Terre de Feu. A notre arrivée, il fait froid et il pleut. En fait nous réalisons que par ici il y a deux sorte de temps: soit il y a un vent à décorner les bœufs, soit il pleut. Nous roulons quelques 50 kilomètres le long du détroit et commençons à être bien trempés quand une jeep avec une remorque s'arrête à côté de nous et nous propose de nous avancer un petit bout. Ce n'est pas de refus, et il nous dépose à un refuge où nous passons la nuit au sec. Nous sommes d'ailleurs bien reconnaissants, car cette nuit-là, il y a eu énormément de vent, pas sûr que notre tente y aurait résisté! Une réserve de manchots royaux se trouve à 15 kilomètres de là, impossible de retenir Tessalia. Ils sont beaux avec leurs couleurs, il y a même des nouveaux nés, c'est chouette de les voir!

En changeant un rayon cassé, nous apercevons que notre jante est vraiment bien abîmée, du coup nous modifions notre itinéraire, retournons sur nos pas et prenons la route beaucoup plus fréquentée, un peu moins jolie, mais au moins asphaltée. Nous nous retrouvons dans la pampa, du plat et du vent mais malgré tout, les paysages ont leur charme. Les herbes dans les tons dorés qui flottent au vent, les guanacos et les renards qui nous regardent passer et les vieux puits de pétrole qui nous surprennent.

Nous arrivons à Tohluin et soudain les paysages changent complètement: nous retrouvons de la forêt et gentiment des montagnes et pour ne rien gâcher, beaucoup moins de vent. Nous passons deux jour dans un hôtel abandonné, au bord du lac Escondido. Nous sommes vraiment bien là au soleil, nous avons une cabane rien que pour nous, la seule qui a encore des fenêtres.

Puis voilà, notre dernier jour de vélo sur le continent américain, c'est étrange. A notre arrivée à Ushuaïa, nous nous arrêtons pour faire la traditionnelle photo. Il y a là un motard en larme d'avoir fini son voyage. Nous ne réalisons pas vraiment que cette aventure est terminée. Il nous faudra certainement du temps pour digérer tout ça, et ça tombe bien, nous en avons.

650 jours de voyage et 25'000 km après avoir quitté l'Alaska, nous avons atteint Ushuaïa, Fin del Mundo. Un voyage rempli de rencontres, de découvertes, d'aventures, et surtout de souvenirs! Une aventure incroyable que nous avons vécue ensemble, et avec vous, qui nous suivez et nous soutenez.

Merci!

Pour l'instant, les parents de Tessalia nous ont rejoints, nous passerons donc deux semaines de vacances avec eux en Argentine, avant de nous faire un petit plaisir: nous partons sur une croisière pour deux semaines, depuis Buenos Aires, en direction de Marseille, avec escale au Brésil, dans les Canaries, et en Espagne. Depuis Marseille, nous remonterons en vélo jusqu'en Suisse. L'aventure n'est donc largement pas finie, et vous aurez encore quelques nouvelles de notre part!

Vidéo du Sud de la Patagonie
Photos de la Patagonie

Patagonia North

A notre arrivée à Pucón en Patagonie nous sommes directement dans le bain: vent violent, pluie et froid. Nous trouvons un petit hostel pour nous mettre à l'abri et au chaud au coin du feu pour attendre Alberic (notre ami venu nous voir de Suisse). Ça nous change bien des jours précédents où nous étions en petits shorts. Mais le temps change très vite, et les jours suivants il fait très beau et chaud. Nous profitons des bains thermaux et des belles balades à faire d'où nous pouvons admirer les volcans Villarrica et Lanin.

Nous quittons ensuite Alberic et reprenons notre vélo après une longue période de repos. Le début est plutôt plat, nous sommes en plein printemps, les fleurs de toutes les couleurs bordent la route et nous sommes envahis de leurs odeurs. Il y a peu de trafic c'est très agréable à rouler, même lorsque la route se fait bien plus pentue. Nous repassons sans encombre en Argentine pour retrouver la "Ruta 40" et les magnifiques paysages des siete lagos. Enfin… surtout quand il fait beau. Nous passons Noël à la casa de ciclista de Bariloche en compagnie de Raphaël et Elodie un très sympathique couple de Français qui remonte d'Ushuaia. Nous pouvons échanger nos conseils pour la suite de nos voyages respectifs. Nous repartons ensuite direction le Chili, en passant par le parc naturel de Los Alerces.

Nous espérions être bien accueilli chez les pompiers de Cholila, malheureusement apparemment une nouvelle loi leur interdit désormais d'héberger des cyclistes. Mais le commandant habite juste à côté et nous propose un couvert qui nous conviendra parfaitement pour la nuit (surtout avec la pluie qui tombe, c'est bien agréable). Depuis que nous sommes revenus sur la 40 nous rencontrons beaucoup plus de cyclistes. Dans le Parc National de Los Alerces nous voyageons avec un couple de brésiliens en tandem et un couple de breton en vélos couchés. Nous repassons donc au Chili pour passer la nouvelle année à Futaleufu dans un petit hostel, rien de bien spécial, une soirée en amoureux et couché à peine minuit passé. Il pleut énormément nous restons donc au sec encore un jour.

Ensuite nous avons envie d'avancer, donc nous reprenons la route malgré pluie. Bien que le ciel soit très bas et nuageux nous apercevons quand même de beaux paysages, avec toute cette pluie, il y a des cascades partout. Nous traversons le village sinistré de Santa Lucia. La moitié du village a été enseveli sous une coulée de bout environ deux semaines avant notre passage, ainsi que 6km de route (en direction du nord) qui ont été emportés. D'ailleurs avant d'y passer nous ne savions pas trop si nous pouvions le traverser, c'était très dur d'avoir des informations fiables (surtout depuis l'Argentine, les deux pays ne se portant pas vraiment dans le cœur). Des hommes recherchent encore des personnes disparues, d'autre s'affairent à déblayer les décombres, c'est impressionnant à voir.

Mais nous voici enfin sur la fameuse Carretera Austral, route mythique de la Patagonie Chilienne, s'étendant sur 1200 km environ. Vu que la route venant du nord est fermée, c'est parfait pour rouler (si l'on oublie la pluie): un bon revêtement et presque pas de véhicules. Mais cela ne dure pas. Nous retrouvons bien vite le ripio et les voitures. Quand nous planifions nos étapes, les profils sont relativement plats. Dans la réalité nous découvrons ce que nous baptiserons le "plat patagonien". En fait c'est des successions de petites montées et descentes extrêmement raides, ce qui nous fatigue beaucoup, mais ça nous laisse plus de temps pour admirer les sommets enneigés et les glaciers. L'avantage, nous trouvons facilement des endroits où camper et même faire un feu pour réchauffer nos soirées assez fraîches.

Après 3 jours de vélo sous la pluie, de camping dans la nature (ou sous un abri de fortune), et de remettre nos habits mouillés et gelés le matin, nous faisons un arrêt forcé dans le petit village de Puyuhuapi, histoire de tout sécher et de se réchauffer. Nous y croiserons à nouveau tout plein de cyclistes: Maru, (Argentine), Ari et Aline (Brésil), et Jonas et Anaëlle, deux Suisses…dont nous apprenons que nous avons une amie en commun, et qui avaient donc entendu parler de nous. Le monde est vraiment petit! Nous repartons sous la pluie, pour aller faire une marche à quelques km de là, mais ne verrons le glacier que nous voulions voir que 2 secondes. Un peu frustrant, car le lendemain, le soleil se lève. Ici, nous l'apprendrons, le temps change très vite. Passant d'un froid glacial et de la pluie à un jour au soleil et du chaud le lendemain. Nous continuons notre route vers le Sud, croisant toujours plein de cyclistes.

Nous faisons un petit détour pour aller voir le village sur pilotis de Tortel. La mauvaise route de ripio nous fait un peu regretter le détour mais pas le surprenant village, construit entièrement sur pilotis, à flanc de montagne, avec des passerelles passant d'une maison à l'autre. Ensuite il faut prendre un ferry (gratuit) car il n'y a pas de route pour traverser un fjord. Nous dormons dans une cabane spécialement dédiée au voyageurs nous la partageons avec Ben et Lucile un couple de cyclo-parapentiste français. Sur les 100 derniers kilomètres qui nous mènent à Villa O'Higgins (fin ou début de la Carretera Austral), nous passons une journée où rien ne va (il y en a quelques-unes pendant le voyage). Après 7km la route se sépare en 2 et nous ne savons toujours pas pourquoi, mais nous avons pris le mauvais chemin. Après 15km, nous réalisons que nous avons perdu le GPS. Benoît retourne à pieds en arrière à sa recherche et, aidé dans ces recherches par les militaires qui refont la route, refait tout le chemin en arrière avec eux, mais ne retrouve pas le GPS. C'est quand ils lui demandent où nous allons qu'ils nous disent que nous ne sommes pas sur la bonne route. Par chance les militaires chargent notre vélo sur leur pick-up et nous ramènent jusqu'au croisement où nous nous étions trompés. Du coup nous reprenons notre (bonne) route en direction d'O'Higgins.

Arrivés là-bas il faut réserver les bateaux pour rejoindre El Chalten. C'est un peu l'inconnu car il n'y a qu'un petit bateau (9 vélos max) et il navigue au bon vouloir du capitaine et de la météo. Par chance nous pouvons prendre un bateau pour le surlendemain, ce qui nous offre une journée de repos afin de bien préparer le passage très difficile jusqu'à El Chalten.

Le beau temps est à nouveau de la partie, pas de vent, nous partons donc lundi sur le petit bateau, direction l'Argentine, pour une ENORME aventure! Mais ce sera pour le prochain récit!

Vidéo du Nord de la Patagonie
Photos de la Patagonie